Aux limites de l’immense

 

Aux limites de l’immense

le souvenir est une carte

impénétrable

 

L’infime est encore un lieu

comme un point rouge et noir

dans le regard

*

A la limite du paysage

déliée par l’essor du temps

l’étreinte de la terre  est plus vaste

que le langage

 

Quand la couleur surgit du paysage

elle trace ses propres routes    entre corps et mémoire

puis s’en retourne  aux chemins   aux champs

aux rivières    se laisse couler dans la lumière

des mers et des îles

*

Le pinceau traîne autour des berges

La couleur absorbe l’eau du fleuve,

Les racines s’accrochent à la surface

La terre est noire    le bleu est lac

le jaune est une rose des sables

 

Le paysage n’a aucune limite   aucune frontière

Rien     Quelque part    il arrive    il revient

est  insaisissable

*

Pas de dessous de cartes

Qui a vécu   entre l’immense et la limite

laisse un reflet   sur la page

un peu de joie   pour l’avenir

 

Le passage des saisons répartit les cartes d’un jeu

dont personne ne distingue    l’orient de l’occident

ni le nom des villes

 

Tout est fait pour la rencontre  ou l’exil

On va    on vient    jamais ne demeure

tel un pèlerin

*

Le peintre caresse les formes colorées

comme s’il consentait enfin à peindre le monde

tel un fruit posé au centre de l’infini

sur la route de son seul voyage

libre de donner forme à ce qui passe

libre d’effacer ses traces     ou garder nos empreintes

*

Dans la plaine des couleurs

le rouge attend le jaune      le blanc résonne

contre le vert des arbres et des prairies

les jardins sauvages se regardent  heureux  vivaces

 

On attend la première couleur venue

Les mains s’agitent

prennent le pouls du monde

 

Les mains sont nos racines

Elles tirent vers soi la barque de vie

la barque d’Amour

*

On voudrait saisir avec un rouge

toute la mobilité du monde

transmettre la lumière à son foyer

peindre dans la marge du monde

Résister aux nouvelles du jour

 

Rien n’est séparable   il faudrait peindre cela

peindre ce tout ensemble   pour ne plus désunir

la couleur    de son sujet   la figure   du vivant

que chaque teinte redevienne lumière

retrouve son invisibilité

*

Toute forme naissante    ouvre le jour

là où s’oublie le temps    les blancs sont au poème

des nuages sans langue

 

Les mains  écrivent ou peignent   les reliefs colorés

du petit matin    Elles cherchent des arbres

et des herbes pour se dégager   des paroles et des images

 

Elles se souviennent des parcs où jouaient des enfants

Des ballons qui roulaient dans le sable vivant

On comptait les points gagnants

On inventait le nom des villes

*

Dans la palette   les verts   oranges   bleus

s’acheminent vers un pays    fidèle au premier regard

La main dessine de l’intérieur

ce qu’elle cherche à voir

alors que tout est là

donné

     sans limites

            dans l’immense

© Marie Alloy

 

 

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