La poésie d’Isabelle Lévesque, « un chant d’écorce »

« Rien.

Plus ou moins.

… le poème ?

Disgrâce et syntaxe. Éclate !  »

                                              p 93 de Nous le temps l’oubli

Isabelle Lévesque, poète-sculpteur, par des jours incertains

Elle travaille la langue en la rongeant, la coupant, la limant, comme un sculpteur de mots, de pierre, de calcaire, de fleurs, de blés, d’azur. Et ce sculpteur caresse aussi, polit, aère, perfore, sépare, unit, colle, dissout, reforme, unifie, crée, recrée, amplifie, déploie, brûle, cherche l’essentiel – qui déroute un peu mais sans jamais égarer. (Et fait silence sur ce qui blesse). Le temps de ce travail de haute précision vient du cœur et c’est à nous, lecteur emporté dans ces lignes, d’en ressentir l’orientation, de lui donner un sens, un lieu, une voix et de comprendre le secret qui agence ces maux et ces lignes de force.

Tout semble d’abord fractionné mais relié tout autant; la source est souterraine, qui unifie. Les mots sont des fruits, des portes, des passerelles, des lumières. Celles qui ouvrent le sens sont parfois des figures d’oxymore où les saisons de la nature s’immiscent avec leurs charmes et fragilités. Tous les éléments sont réunis dans un beau désordre sans finalement rien trancher, ni retrancher, vacillant parfois sur un seuil, un rebord, une falaise de blancheur.

Le deuil et l’amour deviennent des forces quand les racines ne sont jamais coupées. Sous l’obscurité, on sent un cœur qui bat d’émotions trop pressantes, qu’il s’agit pourtant d’endiguer pour qu’elles vivent ou revivent à l’air libre, laissant la fleur qui frissonne à son intensité (celle du coquelicot, au cœur si puissant). Rien ni personne n’est abandonné… La mort vivante. Ainsi le poème devient langue en essor, envol, dialogue où chacun est interpellé, remué dans la structure même de sa pensée pour que les émotions la sculptent à leur tour et la rendent plus sensible au mystère même de vivre, comme à ses couleurs… Le poème creuse notre sensibilité, tente le défi, sans en avoir l’air, d’étourdir le langage pour approcher plus intimement notre « vérité » – car la vérité du poète se donne en partage. Sous des airs de cacher, Isabelle Lévesque se livre, désarmée.

Marie Alloy, en ce matin du 6 décembre 2016

2016-12-06-13-07-00-1  Nous le temps l’oubli, éditions l’Herbe qui tremble

2016-12-06-13-06-35-1 2016-12-06-13-05-54-1

 

et quelques photos pour Isabelle Lévesque:

2016-05-27-10-00-02      2016-06-19-11-25-57-2     dsc07038

2016-05-27-09-50-19  2016-06-09-11-12-23-2  2016-06-06-14-51-00-1

 

Panier
Retour en haut