AUX LIMITES DE L’IMMENSE, poèmes de Marie Alloy

Après Dans l’embrasure des mots, poème de Marie Alloy,

 vient de paraître, en ce printemps 2019, Aux limites de l’immense , un deuxième livre manuscrit de poèmes de Marie Alloy pour les éditions AZUL de José San Martin

Aux limites de l’immense, poème inédit autographe de Marie Alloy, sur des peintures et collages de José San Martin, est le 98ème ouvrage de la collection Manos. Achevé à Vincennes et à Beaugency le 28 février 2019. Edition originale à 6 exemplaires numérotés et signés. Format fermé : 37 cm x 20 cm (74 cm ouvert)

  Lire la suite

0 Partages

D’âme et de chair. EXERCICE DE L’ADIEU par GEORGES GUILLAIN

à découvrir sur le blog de Georges Guillain, LES DÉCOUVREURS, éditions LD

D’ÂME & DE CHAIR.

 

Une lecture de GEORGES GUILLAIN                                                                             du livre EXERCICE DE L’ADIEU de Jean Pierre Vidal

“Il est des livres dans lesquels j’ai plus de difficulté à entrer que d’autres. Ainsi les ouvrages à caractère moral reposant sur des successions d’aphorismes. Je crois que l’évolution de ma propre pensée m’a progressivement éloigné de tout ce qui, formule générale, concept ou autre, tend à emprisonner la réalité dans l’obscure abstraction des structures closes.

Le livre de Jean-Pierre Vidal, Exercice de l’adieu, n’est donc pas, a priori, fait pour moi. Lui qui dans la lignée de poètes-penseurs ou de penseurs-poètes comme Joubert, par exemple, auquel il se réfère dans une partie importante de son ouvrage, se présente à première vue comme un composé de notes visant à traduire son expérience vécue en réflexions générales sur l’amour, la beauté, le désir ou la perte, sans compter l’âme, le corps, le temps ou la présence…

On ne jouit toutefois que par contraste. Cet aphorisme que je répète à l’envi depuis des siècles au point de ne plus même savoir à qui je l’ai emprunté, s’est une nouvelle fois vérifié à la découverte de ce beau livre que j’ai lu tout en pratiquant de ces lectures auxquelles je suis mieux habitué. Et, outre bien entendu, la parfaite maîtrise de la langue qui est celle de Jean-Pierre Vidal, j’ai pris plaisir, non à tenter de réfléchir à certaines des pures formulations qu’on y trouve, mais à suivre une sensibilité confrontée au caractère poignant d’une vie dont on s’aperçoit qu’elle n’a plus totalement, physiquement, prise. Ni sur le temps, qui jeune, ne semblait pas être compté. Ni sur les corps qui, pas encore, pour elle, se dérobaient.

Exercice, le mot employé par Jean-Pierre Vidal, ne doit pas être pris dans son acception scolaire. C’est dans sa dimension spirituelle qu’il doit être entendu.  Car il s’agit ici non d’un effort de style, mais d’un effort d’âme. Qui, animé par les ressources propres de l’intelligence tout à la fois inquiète et lucide s’appuie sur de puissants intercesseurs telles les œuvres diverses de Rimbaud, André Dhôtel, Joseph Joubert ou de Simone Weil. Pour se porter à la hauteur de ce qu’impose le passage des temps. Savoir : habiter l’adieu. L’adieu comme présence. Ce qui me semble devoir être l’une des sagesses, parmi les plus profondes, de l’âge comme aussi de la poésie.

Marie Alloy dans un éclairant texte de présentation parle mieux que je ne saurais le faire, du livre de Jean-Pierre Vidal qu’elle a édité dans sa belle collection du Silence qui roule. J’y renvoie. Ajoutant toutefois avant de terminer, que m’aura aussi particulièrement retenu dans cet ouvrage, la discrète façon dont à travers l’effort de réflexion de son auteur, la tension qui le porte vers une conscience vivante et réactualisée de la somme de ses diverses expériences, se dit tout de même l’intime, toute la présence en creux, d’une vie sensible, charnelle et singulière. Ainsi de cette relation à la jeune beauté plus admirée qu’aimée dont on sent bien quelle blessure secrète – à moins que ce ne soit chez moi qu’effet pur de lecture – elle laisse. Et c’est cela peut-être qui fait que Jean Pierre Vidal est poète. Profondément. Ses livres ne lui servent pas simplement par les mots à mesurer puis combler la distance. Ils savent prolonger jusqu’à nous, leurs murmurants silences.”

© Georges Guillain (droits réservés)

0 Partages

le Silence qui roule, UN ESPACE DE RÉSONANCE, par PIERRE LECOEUR

Guillevic, Du Silence

Un article mis en ligne par Ciclic centre val de Loire

Pierre Lecœur nous offre ici une analyse sensible du travail de Marie Alloy, évoque l’évolution de son parcours, sa relation privilégiée à la nature et à la poésie. Il revient tout particulièrement sur le compagnonnage de cette éditrice-artiste-poète avec les auteurs de poésie, et comment elle entre en “fusion” avec les mots qui la touchent.  

Né en 1972, Pierre Lecoeur vit et enseigne à Orléans. Il est l’auteur d’un essai, Henri Thomas, une poétique de la présence (Garnier, 2014) et d’un recueil de proses, Prose des lieux (Anthologie Triages vol. I, Tarabuste, 2015). Il a publié de la poésie et des études consacrées à la littérature et à l’art dans diverses publications (La N. R. F.ConférenceEuropeNuncLa Revue littéraire, Les Cahiers de L’Herne…).


Le Silence qui roule : 
un espace de résonance

“Depuis 1993, dans le cadre de sa maison d’édition Le Silence qui roule, Marie Alloy a publié une quarantaine de livres d’artiste dans les pages desquels elle a offert un espace de résonance aux mots de poètes tels que Guillevic, Antoine Emaz, Pierre Dhainaut, Dominique Sampiero, Emmanuel Laugier… En chacun de ces ouvrages réalisés à faible tirage, et parfois uniques, quand ils sont réhaussés par l’artiste, les techniques d’impression comme l’eau forte ou l’aquatinte employées par leur créateur et maître d’œuvre, le travail de typographie réalisé par des artisans prestigieux et le choix de papiers rares s’associent pour accompagner la fulguration du poème. Contrairement à l’illustration, le livre d’artiste a pour ambition, sinon de faire fusionner les mondes intérieurs du poète et de l’artiste, le lisible et le visible, du moins de les associer dans une même dynamique. Singulier livre que celui qui naît de ces rapports. Ainsi bouscule-t-il, par la variété de ses formats et ses agencements, jusqu’à la notion fondamentale de page. Devrions-nous parler à son propos de mise en espace ? Il ne faudrait pas alors oublier la troisième dimension de ces ouvrages : le toucher du papier, la matière des rehauts, le foulage de la matrice et des caractères mobiles sur la feuille, le travail – gaufrage, pliage – auquel cette dernière est soumise…

Les poèmes et proses poétiques qu’elle retient privilégient le sensible

Il y a, on le voit, un monde entre l’édition de livres d’artiste et le sens qu’on donne ordinairement à ce mot… L’accueil du texte, loin d’être une finalité, est le point de départ d’un long compagnonnage, doublé d’un dialogue avec le poète, durant lequel va s’élaborer la forme par laquelle l’artiste va répondre aux mots qui l’ont touché. Une épreuve intime, si l’on en croit Sampiero : « Deux personnes – elles ne se connaissent qu’à travers des mots, des images, des textes – s’envoient des lettres, des gravures. Mais parfois c’est une feuille morte, un brin d’herbe, une larme sur l’encre. Et il en vient une sorte de vertige. De désir. »

Dans le cadre de son travail d’éditeur, comme dans celui de la peinture et de la gravure, Marie Alloy rejette le formalisme autant qu’une démarche mimétique qui ne mettrait pas à l’épreuve le medium – en l’occurrence le corps de la langue. Les poèmes et proses poétiques qu’elle retient privilégient le sensible, tout en ouvrant l’éventail du sens au gré d’effets de porosité qui réorganisent les rapports du monde et des signes. Démarche réfléchie parfois dans les vers du poème, où elle peut s’associer à une référence au langage-monde développé par l’artiste : « L’écriture indistincte / Sur le geste dispersé / La ligne entre les deux traits / Qui saisit / Le lit de cette terre (Tita Reut).

Le parcours réalisé durant trente ans par Marie Alloy dans le compagnonnage des poètes est riche et complexe. On peut toutefois y percevoir une double évolution. Dans le domaine du choix éditorial, le drame humain et un certain pathétique, présents notamment dans les textes d’Antoine Emaz (Poème serré et Poème, temps d’arrêt, 1993) et d’Emmanuel Laugier (Hante ton aisselle au bout de quoi, 1996) le cèdent peu à peu à la présence du monde et à une tonalité plus contemplative (Jacques Lèbre, Pierre Dhainaut). Guillevic, qui se situe au carrefour de ces deux tendances, est peut-être le poète qui répond de la manière la plus complète à la sensibilité de l’artiste et au spectre de son travail. Sur le plan de la création, la même évolution s’observe : la figure humaine se fait plus rare, l’enregistrement sismographique du jeu des passions et des affects laisse place à un regard plus apaisé, plus détaché, sur les choses. Cette dernière disposition a conduit Marie Alloy à préférer à la figure humaine le jeu des éléments, ou de fragments de nature qui semblent naître sur la feuille à fleur d’abstraction. On pourrait sans doute rattacher à cette tendance l’apparition de la couleur dans ses livres d’artiste. Après une première apparition dans Reverb’ (2000) d’Emmanuel Laugier, celle-ci s’affirme dans les aquarelles qui répondent, avec leurs irisations, leurs contrastes hardis et leurs belles teintes froides, au monde aquatique tel que le perçoit Guillevic dans Devant l’étang(2005). Quel contraste entre la nuit matérielle sublimée par les noirs charbonneux déployés dans les premiers ouvrages, et la liberté, la sobre sensualité de ces images, ou des lavis qui accompagnent le poème Vif, limpide, imprévisible (Pierre Dhainaut, 2006) – dont le titre semble programmatique – et rythment la progression de Gravier du songe (Jean-Pierre Vidal, 2011) …

 Le poème y gagne une nouvelle dimension

Parce qu’elle est à la fois éditrice, artiste et poète, parce qu’aussi elle conçoit son travail d’éditeur comme un exercice de patience, exigeant un long temps de maturation, Marie Alloy sait donner naissance dans chacun de ses livres d’artiste à un espace-temps singulier, où s’exaltent les aspects et tonalités de notre existence, qu’elle projette dans le concret de la matière, dans les formes et textures offertes par la nature, et jusque dans la physionomie d’une page, le caractère d’une typographie. Le poème y gagne une nouvelle dimension. Son auteur y apprend « quelque chose comme ressentir plus fortement la manière dont l’espace autour pèse sur le mot et lui fait rendre un son différent » (Antoine Emaz). On ne peut trouver plus belle formule, pour qualifier ces ouvrages, que celle par laquelle Michel Collot approche l’œuvre littéraire, qu’il définit comme le paysage d’une expérience. Chacun d’eux, au gré des multiples talents assemblés dans sa conception, est un miroir tendu à ce que nous sommes au plus intime, et qui ne vit que par le partage.”

Pierre Lecœur – Juin 2018

0 Partages

NI LOIN NI PLUS JAMAIS, suivi de Salabreuil le magnifique. Poèmes d’Isabelle Lévesque

Le Silence qui roule / Collection Poésie du silence. Parution avril- mai 2018

ISABELLE LÉVESQUE

Ni loin ni plus jamais

suivi de Salabreuil le magnifique

   

36 pages. Format : 13,5 x 20 cm. Imprimé sur Olin Regular Cream 120g.                        Peinture de couverture  : Herbes de neige, 2004, huile sur toile, de Marie Alloy.                Pas d’illustration à l’intérieur. Tirage de tête de 20 exemplaires numérotés et signés par l’auteur et l’artiste accompagnés de deux aquarelles de Marie Alloy l’une en couverture et l’autre en frontispice et d’un poème autographe d’Isabelle Lévesque sur une page.

ISBN : 978-2-9563314-0-7                       Prix : 9 €  (+2€ participation frais postaux)

Commande : marie.alloy@orange.fr

______________________________________________________________
Bon de commande
NOM : …………………………………………………………………………………..
Prénom : ……………………………………………………………………………….
adresse : ………………………………………………………………………………..
……………………………………………………………………………………………..                                  adresse mail : ……………………………………………TEL………………………………………….
Je commande : …… exemplaire(s) de Ni loin ni plus jamais : …… x 9 €  : …… €
Participation aux frais d’envoi : …… x 2 € : …… €
Total : …….. €

Règlement par chèque à l’ordre de Marie Alloy.                                                                  Éditions Le Silence qui roule, 26 rue du chat qui dort, 45190 Beaugency

www.lesilencequiroule.com
marie.alloy@orange.fr

Régler par carte bancaire ou PayPal :
[wp_cart_button name=”Ni loin ni plus jamais” price=”11″]

53 Partages

Création de collections d’EDITION COURANTE au Silence qui roule.

Création des éditions de livres d’artiste et de bibliophilie en 1993, et celle des éditions courantes du Silence qui roule, en ce printemps 2018.

*

Du livre d’artiste à l’édition courante, la poursuite d’une même orientation : servir la poésie.

Le livre au Silence qui roule : le beau métier, un ouvrage humain longuement caressé

« Braque a entrevu, peut-être le premier entre les modernes, la poésie qui se dégage du beau métier, d’une œuvre faite avec amour et patience, sans qu’intervienne une sensibilité préconçue. Il a compris qu’un ouvrage humain longuement caressé, finit par porter la trace des soins qui ont entouré sa naissance et par dégager je ne sais quelle humanité émouvante. »

Bissière, extrait de Georges Braque, in cahiers d’Art, N° 1-2, Paris 1933.

Ce texte parle de peinture mais tout autant du livre tel que j’en conçois l’esprit et la matière, son humanité, sa force secrète et sa stabilité dans le temps. Il y a une beauté et une gravité du livre qui ne tente pas de multiplier et expérimenter les possibles mais bien au contraire de connaître mieux ses limites pour approfondir et servir la ferveur essentielle du poème.

Les mots prennent corps dans l’unité du livre, dans l’élément tangible de l’espace qui les reçoit. C’est le poème qui est le centre vital du livre autour duquel l’espace se construit, renforcé par l’apport unique des estampes et peintures, afin qu’il puisse se déployer avec justesse, se rendre véritablement visible, sensible, porteur d’émotions.

Pour cela il faut du temps et œuvrer patiemment avec beaucoup de bienveillance à la naissance de chaque livre. L’édition courante se donne cet objectif de poursuivre en ce sens l’orientation et les choix de qualité des éditions de livres d’artiste du Silence qui roule.

LE PROJET :

Même démarche que pour le livre d’artiste :  l’idée première est que chaque poème ou chaque texte en prose, appelle un lieu, une forme spécifique du livre, qui en déploiera toutes les potentialités.

Donc ne pas couler les manuscrits inédits dans une forme préétablie. Ne pas refuser non plus à priori l’idée de collection calibrée. Se donner la liberté de créer des livres singuliers où pourraient se rencontrer textes et images dans des formats adaptés au caractère unique de chaque projet (avec toujours la dimension de plaisir du livre !).

Impression numérique et de temps à autre typographique, ou même offset. Un choix de papiers à l’écoute de la texture du poème ou de la prose, qui puisse apporter sa touche singulière et sa justesse.

Une peinture, gravure ou photographie de Marie Alloy, en couverture comme signe repère des éditions Le Silence qui roule. Un logo signature :

Découvrir, redécouvrir : de nouveaux auteurs et des auteurs oubliés.

Diversifier, consolider : des voix différentes mais aussi une fidélité.

Des livres singuliers : servir la voix de chaque auteur en adaptant la forme du livre à l’esprit qui l’anime. Ne pas banaliser, mais personnaliser.

Editer toujours en dialogue avec l’auteur ; qu’il soit aussi acteur, au moins pour une part, de la conception du livre.

COLLECTIONS ENVISAGÉES 

(l’idée de collection n’implique pas un format et une conception à l’identique)

  • Poésie du Silence (poésie contemporaine)*
  • Cahiers du Silence (journaux, cahiers, notes inédites)
  • Carnets du silence (notes d’atelier d’artistes, peintres, graveurs, photographes…)
  • Feuillets du silence (poèmes et écrits, en quelques pages…)

AUTEURS 2018

Isabelle Lévesque : “Ni loin ni plus jamais” – Collection Poésie du silence – Parution mai 2018

Jean Pierre Vidal : “Exercice de l’adieu”  – Collection Cahiers du Silence – Parution automne 2018

L’esprit des livres au Silence qui roule

Un livre porté par un souci de clarté, de sobriété, d’harmonie dans l’économie de ses moyens. Un livre, allié du temps, de la durée, qui ouvrirait un espace de lecture lente, sans cesse renouvelée. Un livre aéré où chaque mot puisse résonner librement. Un livre imprévisible, toujours à découvrir. Un livre compagnon, sensible, modeste. Un livre de silence, de présence humaine, d’intériorité reliée au monde, de refuge et d’extension, de résistance et d’altérité, de beauté fervente et contemplative. Un livre qui ne prétend pas au savoir mais offre un tremblement de vie, ouvre en chacun des correspondances, des appuis, des rebonds pour la pensée…

Peu de livres édités par an, pas de précipitation pour imprimer. La qualité et la simplicité avant tout. Un livre authentique, qui ne relève pas du domaine de la consommation.

“Ligne éditoriale” de la collection Poésie du Silence :
L’altérité

Une “poétique de la relation”*

Une création poétique en dialogue avec l’oeuvre d’un autre poète (vivant ou non, étranger ou non – dans ce cas une traduction pourrait être envisagée). De l’un à l’autre, un échange essentiel, une circulation féconde, un espace intime où se retrouver soi-même, au contact d’une voix différente. Une manière d’écrire avec, de partager et questionner de manière sensible les liens vivants qui circulent entre les mots et l’expérience humaine.

Une poésie de la rencontre, de l’ouverture à l’autre, au monde  – en souplesse et liberté.

*Lecture conseillée : chapitre “Renouer la relation”, p 439, Michel Collot, Paysage et poésie, éditions José Corti, les Essais, 2005.

Autres supports d’édition

Cartes postales : annonçant chaque parution de livre avec, au recto, la reproduction de sa couverture et au verso un extrait du livre.

Portefolios : Ensemble de 5 à 10 estampes originales de Marie Alloy ou d’estampes numériques, ou de photogravures, accompagnés d’un court texte ou poème.

Estampoèmes : poèmes imprimés ou manuscrits dans des estampes originales ou numériques. Tirage limité à 30 exemplaires numérotés et signés par l’auteur et l’artiste.

Marie Alloy, responsable des éditions Le Silence qui roule

 

0 Partages

Si je t’oublie, de Fabien Abrassart

Vient de paraître aux éditions L’Herbe qui tremble :

“Si je t’oublie”

poèmes de Fabien Abrassart

Préface de Philippe Lekeuche, peintures de Marie Alloy

Fabien Abrassart est né à Bruxelles en 1973. Il est l’auteur de deux recueils parus aux éditions du Taillis Pré, “la chose humaine” et “la part de personne”. Poète discret, “Si je t’oublie” est le premier recueil qu’il publie depuis 2006.

Couverture : Marie Alloy, “Cela eut lieu”, 2017.

            

 

   

0 Partages

La trace, l’énigme, la lisière, par Pierre Lecœur

Dans le numéro de la Revue Europe de novembre-décembre 2017 qui vient de paraître, Pierre Lecœur, retrace le parcours de Marie Alloy, sa relation privilégiée à la nature et à la poésie, et approfondit les liens qui s’établissent entre ses gravures, peintures et livres d’artiste.

Un article à découvrir de la page 333 à 339.

Présentation de ce numéro de la revue EUROPE:

95e année — n° 1063-1064 / novembre-décembre 2017

CÉSAR VALLEJO

Considéré comme l’un des plus grands poètes du XXe siècle, César Vallejo est né en 1892 à Santiago de Chuco, petite ville péruvienne dans la cordillère des Andes. Dans sa jeunesse, tout en fréquentant la bohème intellectuelle, il eut l’occasion de connaître la rude condition des travailleurs dans les mines et les plantations de canne à sucre. Après avoir publié au Pérou ses premiers livres, Les Hérauts noirs (1919) et Trilce (1922), en partie écrit en prison, il embarqua pour l’Europe en 1923 et son exil s’avéra sans retour. Il mourut à Paris en 1938, épuisé par la maladie et les souffrances d’une vie précaire qu’avaient ponctuée des séjours en Espagne et trois voyages en URSS. Ses Poèmes humains furent publiés après sa mort, tout comme Espagne, écarte de moi ce calice qui demeure le chant le plus pur et le plus définitif parmi tout ce que l’on a pu écrire sur la Guerre civile espagnole. L’œuvre géniale et intrépide de Vallejo va au-delà de l’aventure des avant-gardes et tout en exprimant un inébranlable désir de solidarité humaine, elle est traversée par la force grondante de la douleur et par « une énorme tension affective qui fait ressentir chaque poème comme une poignée de neige jetée en plein visage ».

JEAN CASSOU

Poète, critique d’art, historien, hispaniste et romancier, Jean Cassou (1897-1986) fut en toute chose un homme épris de liberté. Membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes et rédacteur en chef d’Europe, il milita pour l’intervention française dans la Guerre d’Espagne. Dès septembre 1940, il s’engagea dans la Résistance où il occupa des fonctions importantes. Il importe aujourd’hui de redécouvrir l’écrivain, le rêveur solitaire et l’homme d’action dont l’exigence éthique était travaillée par « un sombre et magnifique espoir ».

PIERRE LARTIGUE

Pierre Lartigue (1936-2008) fut un enchanteur du verbe. Porté par un rêve d’envol où le cœur s’ajuste au souffle, son univers est régi par un principe de légèreté. Vaincre la pesanteur, c’était aussi pour lui avoir le courage de ne pas se dérober à l’inattendu. Poète, romancier, critique de danse, son œuvre admirable abrite sa profondeur sous un air de fête.

CÉSAR VALLEJO
Ina Salazar, Alejo Carpentier, Emilio Adolfo Westphalen, Antonio Gamoneda, César Vallejo, Saúl Yurkievich, Américo Ferrari, José Ángel Valente, Efraín Kristal, Miguel Casado, Alain Sicard, Nadine Ly, Marie-Claire Zimmermann, Alejandro Bruzual, María Ortiz Canseco, Gastón Baquero, Roberto Juarroz

JEAN CASSOU
Alexis Buffet, Pierre-Yves Canu, Edgar Morin, Jean-Marc Pelorson, Alexis Buffet, Olivier Bara, Marine Wisniewski, Jean Cassou

PIERRE LARTIGUE
Claude Adelen, Alain Lance, Florence Delay, Natacha Michel, Marie-Claire Dumas, Éric Auzoux, Denis Dabbadie, Pierre Lartigue

CAHIER DE CRÉATION

& CHRONIQUES

15 Partages

Poésie naissante, par Le Bateau fantôme

Vingt trois poètes d’aujourd’hui

En quatrième de couverture :

” A travers ces ensembles inédits, ce que propose cette anthologie, c’est un voyage à travers des poésies vivantes que signent des auteurs réunis dans les années et les épreuves par l’amitié et l’estime, du moins par une nette familiarité – une sorte de communauté. Ce livre rappelle cela : que les poètes, ces insularités, ne font sens qu’ensemble, en archipel; que le chœur est beau ; que l’attachement délie. La grande variété des voix ne pourra que souligner la force de ces liens. Dans leur vie, à travers leur art, toutes travaillent à offrir un chant audible par tous, le contraire du nihilisme : une poésie naissante.”

Mathieu Hilfiger

 

        

Ce serait alors une sorte de dernier espoir à espérer, que leurs pas (sur les chemins du dehors ou du dedans) dessinent, indépendamment de toute appartenance à un groupe, et de tout programme, gratuitement, un réseau qu’on voudrait aussi invisible et aussi fertile que celui des racines dans la terre.

Philippe Jaccottet

23 auteurs illustrent la vigueur de la création poétique francophone actuelle :
Cécile A. Holdban – Gérard Bocholier – Jean-Pierre Chambon – Judith Chavanne – Pierre Dhainaut – Michèle Finck – Mathieu Hilfiger – Sébastien Labrusse – Jean Le Boël – Jean-Pierre Lemaire – Isabelle Lévesque – Jean Maison – Philippe Mathy – Jean-Michel Maulpoix – Blandine Merle – Andrea Moorhead – Livane Pinet – Louis Raoul – Isabelle Raviolo – Jean Marc Sourdillon – José-Flore Tappy – André Ughetto – Jean Pierre Vidal, suivi d’un texte signature de Philippe Jaccottet

FICHE TECHNIQUE
– Parution : début septembre 2017
– ISBN : 978-2-9546757-6-3
– Prix : 23,00 €
– Ce livre luxueux a été conçu et fabriqué en France (imprimerie IMB à Bayeux) sur les papiers de création 100% recyclés Rives Shetland (couverture) et Cyclus Print mat (intérieur).
– 204 pages – format 15x22cm
– couverture avec rabats et pelliculée – sous film
– peinture de couverture par Yvonne Alexieff

LA COLLECTION “LETTRES ÉCARLATES”
La collection Lettres écarlates réunit des textes de création et de pensée littéraires, imprimés à l’encre écarlate. Ses titres sont exclusivement imprimés sur des papiers écologiques d’excellence.

COMMANDE : sur notre site sécurisé www.lebateaufantome.com , sur amazon, ou en commande en librairie.

 

0 Partages

Le genêt ou La fleur du désert

Extrait d’un poème de Giacomo Leopardi  (écrit en 1836)

 

Le Vésuve.

“Et les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière”, Jean, III, 19.

 

Le genêt ou La fleur du désert

Là, sur le dos stérile
Du redoutable mont,
Le meurtrier Vésuve,
Que nul autre n’égaie, arbre ou fleur,
Tu répands alentour tes buissons solitaires;
O genêt plein d’odeur,
Satisfait des déserts. Je te vis autrefois
Embellir de tes branches les sauvages pays
Qui enlacent la ville
Reine du monde en d’autres temps
Et, de l’empire perdu,
Semblent, avec l’air grave et le silence,
Être signe et rappel du voyageur.
Or là je te retrouve sur ce sol, amant,
Et des sols affligés toujours ami.
Fidèle compagnon des destins accablés.
Ces champs semés
De cendres infécondes et couverts
De la lave pierreuse
Qui sous les pas du pèlerin résonne,
Où se niche et se tord au soleil
La vipère, où le lapin
Court au terrier caverneux qu’il connaît,
Furent maisons heureuses, et campagnes,
Et herbes blondissantes, et résonnèrent
Aux voix des bœufs;
Furent jardins, palais
Aux loisirs des puissants
Séjours aimés; furent cités fameuses
Que de sa bouche en feu
Le mont fier accabla de ses flots
Avec leurs habitants. Or une même ruine
Tout enveloppe aujourd’hui,
Où tu habites, ô noble fleur, et comme
Si tu pleurais sur les épreuves d’autrui,
Au ciel, très doux, tu répands un parfum
Qui le désert console. Qu’à ces plages
Vienne celui qui a coutume
D’exalter notre état, qu’il voie combien
De notre genre se soucie
L’amoureuse nature. A sa juste mesure,
Il pourra là juger la puissance
De la semence humaine,
Que sa dure nourrice, imprévisiblement,
Peut en partie, d’un mouvement léger,
Détruire, et d’un seul geste
A peine plus violent, soudainement,
Toute entière effacer.
Du monde des humains
Sont peints sur ces rivages
Les splendides destins et les progrès.

Et toi, lente fleur de genêt,
Qui de sylves odorantes
Décore ces campagnes dépouillées,
Toi aussi tu cèderas, dans un temps proche,
A la cruelle force du feu enseveli
Qui, retournant aux lieux
Qu’il connaît, déploiera son voile avide
Sur tes molles forêts. Et tu plieras
Sous le fardeau mortel
Ton innocente tête,
Jamais pliée jusqu’alors vainement
Pour une lâche prière devant
L’oppresseur à venir, mais non dressé
D’un orgueil fou vers les étoiles
Ni sur ce désert où,
Par désir, non, mais d’aventure,
Tu reçus l’être et ton séjour ;
Mais plus sage, mais tant
Moins infirme que l’homme,
Que tu ne crus jamais, par toi-même ou le fait
Du destin, tes fragiles lignées immortelles.

Giacomo Leopardi (Recanati, 1798 – Naples, 1837),

La ginestra, o il fiore del deserto, Le genêt, ou la fleur du désert
Traduction Michel Orcel dans Chants /Canti – GF Flammarion

Peintures de Marie Alloy, pour accompagner Leopardi…

  

du destin, les fragiles lignées” – Détail, huile sur toile sablée.

 

Manuscrit autographe de “L’infini” de Giacomo Leopardi  (Visso, Archivio comunale)

Maison natale de Leopardi à Recanati, petite ville des Marches.

 

 

0 Partages

Rencontrer Guillevic

 

Rencontre devant l’étang

“C’est au cœur de deux espaces, on ne peut plus personnels, que se fit la rencontre Alloy – Guillevic : ceux de leurs tête-à-tête singuliers avec la page blanche où s’écrire, où s’inscrire pour découvrir, se découvrir et pour ensuite « réussir » à donner, nous donner – parce que l’ouverture a été gagnée – s’offrir et nous offrir deux œuvres communes L’Éros souverain et  Devant l’étang.

Cet étang qui fascina Guillevic, le hanta sa vie durant, est pour Marie une présence quasi permanente puisque son atelier ouvre sur une petite étendue de ces eaux épaisses, pas forcément bienveillantes.

Marie Alloy est venue pour la première fois, rue Claude Bernard, en un temps où Guillevic, déjà fatigué, me demandait d’être présente lors des visites qu’il recevait. Cette demande, il m’était alors difficile de la refuser, mais elle me mettait souvent dans une situation délicate car je sentais qu’il me fallait être là comme si je n’y étais pas. Je me souviens à quel point très vite le courant s’établit, circula entre nous trois. Le charme de la gravité silencieuse de Marie opérant ainsi que le naturel de chacun. On eut tôt fait de se connaître et de se reconnaître de la même famille, dans une amitié et une connivence hors du temps.

Le travail de Marie pour L’Éros (en 1996) – le premier poème qu’Eugène avait eu la chance de lui confier – fut une joie pour lui. Il en aima la vibration toute d’exigence, de raffinement et de sensualité d’un art servi par un rigoureux métier.

Et tout naturellement Guillevic pensa à dédier à Marie Devant l’étang, l’obsédant poème qui avait jailli en 1992, le contrariant presque de devoir constater qu’ «après avoir tant écrit» sur eux et «sans savoir pourquoi», ils revenaient encore ces étangs qui s’imposaient à lui jusqu’à le contraindre. Il offrit alors ce poème à Marie comme pour qu’elle l’aide à s’en délivrer.

Le destin décida que Guillevic ne puisse pas découvrir le nouvel et essentiel échange entre lui et Marie, qu’est ce livre. Aujourd’hui, je crois sentir à quel point ce poème, tout comme l’Éros souverain, furent importants et comment ils se rejoignent dans leur absolue divergence.

Je crois comprendre pourquoi «cette eau stagnante», avec ce regard qui nous tord et nous étreint, cette eau «dormante» qui, en plein soleil «ne quitte jamais / Sa teinte d’eau nocturne» //, qui ne se préoccupe que de ce qui «se travaille / Vers le fond», cette eau livrée à ses sempiternelles complaisantes paranoïa et masturbation, cette eau fermée pour fermenter sur elle-même et se cacher – cet état existant de la stase d’une eau qui jamais ne sera «étant» dans son devenir d’ «être»* liquide, eau vive faite pour l’échange, la circulation, la fécondation, obséda Guillevic dans son combat pour la verticale, l’ouvert, la communication, la communion. Et dans cette bagarre lui et Alloy se rencontrèrent, alliés, passionnément.

Oui, «Ce soir encore l’étang / Ne s’est pas mis debout»**/. Et jamais il ne se lèvera, le «libidineux», jamais il ne se relèvera pour le combat de ces travailleurs de la pointe qui creusent et caressent alternativement, le poète ses mots, son vers, l’artiste son incise, sa taille, sa toile, – «traits qui viennent de très profond et d’il y a longtemps»*** – et qui les poussent toujours plus avant et plus loin, dans le corps à corps avec l’élémentaire de la vivante matière ! Et c’est alors que vit pour nous, devant nous, ce singulier accord de vibrations, si justes, si fines, si élevées du mot et de la couleur.

Pour le salut, Marie ! Pour un vivant repos, Eugène.”

Lucie Albertini-Guillevic.

Belley, 29 septembre 2000 – Paris, 2 août 2005

* Art poétique. 1989, ** Terraqué, *** Alloy, notes d’atelier, avril 1999

*

J’ai réalisé deux livres d’artiste avec Eugène Guillevic, “L’Éros souverain” en 1995, puis  “Devant l’étang”, de 2000 à 2005 – livre qui a suscité de nombreuses recherches gravées et peintes exposées à Carnac en 2007 dans le cadre de l’exposition “Guillevic et les peintres”.

“L’Éros souverain”

Ci-dessous quelques détails du poème et des estampes, (aquatintes originales).

           

“Devant l’étang”

livre d’artiste réalisé avec des aquarelles originales

  

    

*

Entre deux eaux

De  l’Éros souverain  à  Devant l’étang

Peintre et graveur, éditeur de livres d’artistes[1], je pris contact avec Guillevic en 1994, et il me proposa d’accompagner le poème L’Éros souverain. J’ai aimé immédiatement l’ampleur de ce chant d’amour et sa force et, peu à peu, je fus gagnée par son souffle. Je choisis un format horizontal, une typographie pleine page dans l’estampe, avec la technique de l’aquatinte qui me permettait de concilier la fluidité du geste, de la vague amoureuse, avec la morsure de l’acide, eau « forte » comme l’océan. Le rythme de l’ensemble me suggéra des verts profonds, certains lactescents.

 « Si tu pouvais nous dire

Au moins sur le passage

Du gris glauque au bleu vert » [2]

Son poème m’avait guidé vers les nuances d’une teinte qui était véritablement la sienne (le vert de sa bague), et celle de l’océan, sans qu’il y soit directement question dans l’Eros souverain. La réciproque fut aussi étonnante puisqu’il m’offrit ce jour de notre première rencontre un petit volume de poésie: Du domaine[3]. Son geste fut de cette générosité qui est une attention profonde à l’autre, et un signe de reconnaissance. Sans le savoir, il m’offrait un ensemble correspondant mot à mot au lieu où je vivais et vis encore. J’en fut très troublée. Je reconnaissais « mon lieu ». Nous en avons parlé et c’est ainsi qu’après avoir réalisé l’Eros souverain, il me proposa, avec la complicité bienveillante de Lucie Albertini, Devant l’étang.

Il me sembla pourtant que j’avais besoin d’une sorte de parenthèse de retrait pour reprendre mon souffle avant de commencer ce deuxième livre d’artiste; je le laissais reposer malgré des épreuves gravées et plusieurs maquettes.

« L’eau dans l’étang

est occupée à garder le temps. » [4]

« L’eau de l’étang

se prend un peu

pour l’éternité. »[5]

Peut-être ne faut-il jamais attendre mais toujours avoir la force intérieure de saisir le choses à temps. Eugène Guillevic, malade, dut nous laisser avec ses carnets, les livres en cours, toute cette matière vivante de cœur, de pensée, de regard. Après cette séparation, il fallut encore attendre, transformer la tristesse en force, garder le cap. Rester digne de son effort de vie, de continuité dans le travail, dans le mouvement d’une recherche intérieure toujours plus décantée et plus ouverte, d’une poésie simple, aux significations plus denses.

Mais il se produisit aussi en moi une transformation. J’épousais cette sorte de « fascination et répugnance » [6] pour l’étang. Plus j’avançais dans mon propre travail plus l’étang m’habitait et envahissait mes recherches sous forme de reflets de branches, eaux plus ou moins épaisses, ombres inquiétantes.

« Le péril n’est pas seulement hors de soi, dans l’œil « libidineux »[7] de l’étang plein de têtards qui se colle à la vitre, il est en soi.»[8]

J’avais besoin de laisser la dureté de la gravure du « Creuse, écris » (Inclus) et du tirage de livres pour me renouveler en revenant à la peinture. Je pensais toujours accompagner le poème Devant l’étang d’estampes mais le retour à la peinture me conduisit à laisser les projets successifs dans l’attente d’une juste adéquation entre mon cheminement intérieur et les interrogations du poème. Je compris un peu plus tard que le creusement viendrait de l’eau. Que l’outil pinceau étale la nappe de couleur mais creuse aussi sous la surface un lit poreux où le geste s’enfonce avec l’esprit, comme dans une sorte de rêve mouvant de fluidité.

 « Certains rêvent / Les rêves de l’étang » (p 56) et je ne voulais pas aller vers l’enlisement onirique mais donner une présence qui tienne, du corps au lieu, un domaine aux mots. Le péril était-il donc en moi ? J’avais maintenant peur devant ce livre, inachevé, inachevable; avec le sentiment d’une faute, d’un retard, d’un mouvement irréversible. Quelque chose ne pouvait plus se faire, dans ce livre comme dans la vie, ou se l’interdisait peut-être.

« Ne réussit pas qui veut

  à trouver l’étang » (p 42)

L’étang contenait une angoisse de transformation personnelle, mais aussi une exigence de vérité, un besoin de clarté. Je comprenais, sans pouvoir la réaliser, cette nécessité d’une Psychanalyse de l’Eau étudiée par Bachelard [9] : « L’être voué à l’eau est un être en vertige. Il meurt à chaque minute, sans cesse quelque chose de sa substance s’écroule… La peine de l’eau est infinie. »

Les poèmes de Guillevic sont alors devenus pour moi comme une chambre d’échos. En le lisant, il m’est souvent arrivé de penser : j’aurais pu l’écrire … Parce que Guillevic parle à la mer, à l’étang, en les tutoyant, c’est à chacun de nous aussi qu’il s’adresse.

*

« Devant l’étang », comme devant soi, ou devant la peinture, il y a toujours un moment où il faut plonger, se laisser couler jusqu’à la lumière du fond, par fidélité au poète, à sa langue, et par fidélité à soi.

« Tu es là, immobile, mais l’on sent que toujours, ça bouge en toi.»[10]

Pour transmettre ce mouvement, seul l’élément liquide entrait en résonance avec la tension du poème, ses questions, ses paradoxes. Il fallait une fluidité pour désamorcer le trouble, donner vie au mystère. Le pinceau plus que la pointe, l’aquarelle plus que l’empreinte, traduisent le renouvellement continu des formes, permettent « ce qui se travaille vers le fond ». La couleur dominante verte laisse filtrer l’azur, les pluies, le soleil. Elle anime d’éclaircies les quelques taches plus sombres.

« Descendre dans l’étang

 N’apprendrait rien de plus… »

Cette difficulté à trouver le juste chemin du regard, le juste chemin du travail de création pour Devant l’étang, peut-être ce passage en livre t’il la cause :

                      « Comme l’étang

                       Oublie sa source ! »

Guillevic nous la livre, avec pudeur :        

«  L’eau de l’étang,

   Veuve

   De l’océan. » (p 63)

L’océan serait-il l’époux, le père, …le fils ?

« Parfois tu étais

un moment de moi » (Carnac, p 203)

Il y a cette perte, « Tant d’amour a manqué / qu’on ne s’y connaît plus. » ( Pays, p 29, Sphère), et ce manque profond qui mène à  « Un silence /Couleur de l’étang. » (p 54)

Ainsi avec ces deux livres, Guillevic me donnait à creuser avec lui ces eaux qui l’ont porté, « L’eau / Matrice du cri », (p 83), cri de naissance et cri d’amour, et ces eaux plus troubles, où la mort se mélange au vivant, où les frontières sont incertaines entre la peur et le désir, le doute et le besoin d’enfouir, cacher, ou se nicher.

*

Une violence rentrée surgit soudain du face à face avec l’étang ; lutte des forces antagonistes liées au bien et au mal, mais que le poème lui-même tente de guérir. Le poète cherche à s’élever par la caresse, à vaincre ce libidineux de l’étang qu’il a en son ventre et qu’il saura « percer » pour liquider la peur, retrouver la clarté du toucher. [11] Retrouver la tendresse.

Ainsi, m’aidant d’autres poèmes, par une lecture transversale, je peux en quelque sorte entrer dans le secret de ces deux livres, de ces deux eaux, et leurs correspondances. Elles sont l’une en l’autre comme deux modalités de l’amour, toujours en mouvement et en lutte, « un refus de dire / Creusé dans le oui » ( Sphère, Conscience, Saluer, p 58) avec cette aspiration originelle d’élévation, au sens charnel, où l’acte d’amour est mouvement, lutte contre toutes les formes d’enlisements :

« Peut-être que la tourbe est montée des marais,

Pour venir lanciner, suinter dans le silence

Et nous suivre partout

Comme une mère incestueuse. »[12]

Dans ses « Amulettes », je retrouve la même gravité des questions, sous une forme légère, dont je ressens de plus en plus les multiples ramifications cachées de sens.

« Avoir vu

Tout au fond

De sa main,

Dans l’étang,

Des petits hommes

Qui remuaient. » [13]

Ces corps, il me semble bien qu’ils sont là, en nous, agités par la peur de se perdre. Ils sont nous, grouillants têtards.

*

Dans ma peinture, je suis comme devant l’étang, absorbée.

Lorsque je peins, je sens l’étang dans mon dos[14] , mais « Je n’aime pas / tourner le dos / A de l’eau étendue » et souvent je vais accorder mon regard aux branches qui plongent dans l’eau et s’y entrelacent. Ici point de reflet de soi. L’étang aspire le ciel et les frondaisons, loge animaux et végétaux, exclut la présence humaine dans sa vasque.

L’étang, c’est une imprégnation depuis vingt ans, un lieu d’habitation et de travail. Tantôt il abonde en eaux vertes et fécondes, tantôt il cristallise sous le gel, ou semble s’asphyxier. Dans tous ses états, la couleur dominante, verte ou brune, se répand, se décompose, s’assombrit. L’étang est animé d’un mouvement permanent, œuvrant sans relâche, même aux moments où il semble fléchir, s’assécher.

« L’eau stagnante

en elle-même toujours

se creuse

a sa propre recherche. »[15]

Je vois là, dans cette présence obsédante et mouvante, quelque ressemblance aux mouvements intérieurs de la peinture: un lieu et, en son creux, un non lieu. Dedans, un remuement profond. Quelque chose passe et repasse, pénètre comme dans un buvard, disparaît pour réapparaître autrement.

La masse des arbres plonge et se défait au gré des oscillations de la surface. Le geste de peindre lui aussi affronte une étendue obscure, et l’éclat blanc de la lumière. Il s’agit de circonscrire à l’intérieur de soi une nature qui s’abandonne à l’envahissement, riche de tous les jaillissements, qui refuse la stase, sans cesse meurt et se ranime. Nature qui travaille en nous jusqu’à l’épuisement, « infatigable–fatiguée »[16], jusqu’aux dissolutions successives. Le cercle fécond de renouvellements incessants fait de la peinture un « domaine », dont l’équilibre est perpétuellement en recherche. J’y approfondis mon ignorance, ma peur « …avec des yeux pires que l’étang »[17]. Mais le regard aussi se décante. A la fois dedans, dehors, et devant.

Georges Duthuit[18], à propos de l’œuvre de Bram Van Velde, exprime ce travail intérieur de la peinture en des termes étrangement comparables à ceux de l’étang.

« …un singulier pouvoir ici nous fixe, nous possède. »

Une même surface se tend et se relâche.

“Il y a là un déséquilibre si déchirant qu’on ne conçoit pas qu’il puisse être résolu…»

« …non pas le principe d’organisation des conflits mais leur lieu. »

Et aussi Jacques Putman, [19]:

« …lier le mouvement, …à une aussi lente et patiente élaboration… »

« Comme si son échec le plaçait au-dessus de l’échec… »

Le peintre accepte de se perdre pour se trouver, abandonne ses gestes aux alluvions de couleurs, avec le courage de poursuivre quoiqu’il en coûte. Le corps entier est requis pour cela,  « l’esprit ne peut être que vaincu ou par lui-même humilié… » (Putman, p42)

Il est important de savoir que Guillevic a aimé faire de nombreux livres avec des artistes. Sans faire de grands discours sur la peinture, certaines notes de Guillevic (Carnet noir, II, 1932, L’expérience Guillevic, Deyrolle 1994)) révèlent l’exigence de son regard et montrent son orientation intérieure profonde:

« Voir le monde en lui et non par rapport à soi, le monde (visible et invisible)

le monde peut être vu par l’intérieur de l’âme.

Le monde intérieur du poète (vrai, grand) est une vue du monde tel que le voit et l’a créé Dieu. »

*

La mer est « sans ventre apparemment. »[20] Mais Guillevic voyait dans l’étang un ventre. Cela est fondamental. Poème aussi la voix du ventre. Son appétit. Son souffle. Sa portée.

D’une apparente stagnation, l’étang travaille à quelque décomposition qui nourrit ceux qui y vivent. Et c’est comme un passé qui hante et nous fonde, qui attend d’être délivré quand l’étang devient menace, passivité collante, marécage. « Qu’y a t’il au fond de l’eau ? » (Carnets 1923-1938, L’expérience Guillevic). Est-ce le remords ? Qui malmène notre innocence ?

Et ces liens entre la mère nourricière, la poésie, et la coulée de peinture. Entre ce qui meurt et naît, entre ce qui se décante vers le fond et ce qui affleure à la surface, entre l’océan et la semence. Entre ce qui nous rend à notre porosité, nous absorbe et cette peur d’être avalé, cette peur au ventre. « Est-ce que nous nous nourrissons tous de ce qui nous dévore ? » [21]Menace fusionnelle.

La mère reste du côté de l’étang :

« En communication

avec les profondeurs

élaborant l’humus,…»[22]

 Et la femme, de l’océan  « … ce goût de la mer que nous prenons en toi »[23]

*

L’on ressent fortement l’inquiétude de Guillevic, dans les pages manuscrites du carnet où se trouve « Devant l’étang ». Le va-et-vient entre ce qui est regardé et ce qui cherche à se nommer ajoute une vibration intime à la lecture, maintient vivant le travail d’écriture, non comme une instabilité mais bien comme une quête d’exactitude, de nudité. On en reçoit les mouvements dans la gestation profonde.

L’océan est solennel, refuge, chant, et néant, mugissement, cauchemar. Il est tout aussi travaillé que l’étang, que la vague, que l’existence :

« Puissante par moments

de force ramassée … /

Quelquefois projetée

Comme un vomissement. »[24]

C’est l’acceptation de ces mouvements opposés et extrêmes, liés au flux et reflux du vivant et du temps, qu’enseigne Guillevic. C’est également l’expérience du lien entre le regard sur le monde et le dialogue continu avec toutes ses manifestations sensibles qui nous le rend si présent. Ami des peintres, il savait accueillir et comprenait l’importance primordiale du geste, celui qui souffle la forme et touche au silence.

Marie Alloy, Mai 2005 – Revue NU(e)2005

 

[1] Éditions Le Silence qui roule – Sandillon (45640)

[2] p 193 Carnac, Sphère

[3] Guillevic, Du domaine, Poésie Gallimard, 1977

[4] Guillevic, Du domaine, p 12

[5] Guillevic, L’eau, revue Corps écrit n° 16, revue PUF 1985

[6] Expression employée par Jacques Borel, préface à Terraqué, NRF Poésie Gallimard

[7]  Guillevic, Terraqué, NRF Poésie Gallimard, p 76

[8] Jacques Borel, préface à Terraqué, NRF Poésie Gallimard, p 12

[9] Bachelard, L’eau et les rêves, José Corti, 1989

[10] Guillevic, Devant l’étang, Marie Alloy édition Le Silence qui roule

[11] Guillevic, Terraqué, p76, 77, nrf Poésie Gallimard

[12] Guillevic, Terraqué, p 46, nrf, Poésie Gallimard

[13] Guillevic, Terraqué, p 192, nrf, Poésie Gallimard

[14] Guillevic, L’eau, revue Corps écrit n° 16, revue PUF 1985

[15] Guillevic, L’eau, revue Corps écrit n° 16, revue PUF 1985

[16] Guillevic, Carnac, dans Sphère,  NRF Poésie/Gallimard, p 186

[17] Guillevic, Sphère, Chemin, p 13

[18] Georges Duthuit, Derrière le miroir, 1952, à propos de Bram Van Velde

[19] Jacques Putman, Le musée de poche, 1958, Bram Van Velde, ed Georges Fall

[20] Guillevic, Carnac, dans Sphère,  NRF Poésie/Gallimard, p 149

[21] Jacques Borel, L’expérience Guillevic, Deyrolle, P 26

[22] Guillevic, Carnac, dans Sphère,  NRF Poésie/Gallimard p 71

[23] Guillevic, Carnac, dans Sphère,  NRF Poésie/Gallimard p 143

[24] Guillevic, Carnac, dans Sphère,  NRF Poésie/Gallimard, p 190

0 Partages